LA RÉVOLUTION DE JASMIN




TUNISIE - Pourquoi parle-t-on de "révolution du Jasmin" ?


Un journaliste tunisien revendique la paternité de ce nom donné aux manifestations qui ont abouti à la chute de Ben Ali.

Le journaliste tunisien Zied el-Hani revendique la paternité du nom "Révolution du Jasmin" donné aux manifestations qui ont abouti à la chute, vendredi, de l'ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, une première dans le monde arabe. "Oui, c'est moi", a déclaré lundi à l'AFP ce journaliste, très critique de l'ancien régime en dépit du fait qu'il travaille pour le quotidien Essahafa, qui appartient au groupe gouvernemental La Presse.


Le jasmin est une fleur blanche très parfumée emblématique de la Tunisie et qui symbolise la pureté, la douceur de vivre et la tolérance. Il est abondamment utilisé dans les campagnes de promotion destinées à attirer les touristes dans le pays. Zied el-Hani explique avoir rédigé un texte intitulé Révolution du Jasmin, qu'il dit avoir écrit avant la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali sous la pression de la rue. Ce texte a été effectivement mis en ligne le 13 janvier sur son blog baptisé "Le journaliste tunisien", qui était bloqué en Tunisie avant la toute récente levée de la censure sur Internet.

Le jasmin après les oeillets, les roses et les tulipes...

Dans l'histoire récente, plusieurs révolutions populaires ont pris des noms de fleurs : révolution des Oeillets au Portugal (1974), des Roses en Géorgie (2003) et des Tulipes au Kirghizistan (2005), tandis que la révolte ukrainienne a pris la couleur orange. Poétique, le texte "Révolution du Jasmin" qualifie le peuple tunisien d'"extraordinaire" pour n'avoir pas limité ses revendications aux aspects sociaux mais leur avoir donné une dimension politique. Le mouvement social contre le chômage et la vie chère est parti de Sidi Bouzid (centre-ouest) après l'immolation, le 17 décembre, d'un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police. Il s'est ensuite étendu à l'ensemble du pays en prenant une tournure politique et a connu son point d'orgue avant la manifestation de masse de vendredi dans le centre de Tunis qui a sonné le glas du régime de Ben Ali.


Zied el-Hani a été l'auteur de plusieurs coups d'éclat sous l'ancien régime. Dernier en date: le 31 décembre, lui et cinq autres journalistes contestataires sont entrés au siège du ministère de l'Intérieur pour protester contre les "entraves au libre exercice" de leur métier. "Nous sommes allés porter une lettre de protestation à (l'ancien) ministre de l'Intérieur (Rafik Belhaj Kacem), que nous considérons juridiquement responsable des attaques contre nos confrères et des entraves à l'exercice de notre travail", avait alors raconté Zied el-Hani. Cette démarche inhabituelle en Tunisie, où les locaux du ministère de l'Intérieur sont fortement gardés, avait été décidée en réponse à la convocation d'un journaliste opposant et à la confiscation de son matériel. Ziad el-Hani fait partie d'un collectif dont les membres avaient déposé des demandes pour des radios libres en Tunisie et dont la démarche était restée sans suite alors que des autorisations pour des radios privées étaient accordées à des proches de Ben Ali.


Source: Article de Le Point.fr, publié le 17 janvier 2011


Conseil de lecture: 

L´étincelle, Tahar Ben Jelloun, Gallimard, 2011, 122p. 

RÉSUMÉ DU LIVRE

Dans cet essai, publié simultanément en France, en Italie et en Allemagne, Tahar Ben Jelloun livre à chaud son analyse de ce mouvement de révolte qui traverse depuis novembre 2010 le monde Arabe, et qui depuis ne cesse de se propager. C'est "un immense mur de Berlin qui tombe" écrit-il, un moment historique, car il est maintenant acquis que plus rien, dans la région, ne sera comme avant. On ne reverra en effet pas de si tôt autour de la méditerranée des dictateurs à la longévité de Moubarak et Ben Ali, tant cette forme d'exercice du pouvoir a perdu toute légitimité au yeux des populations arabes. Des millions de manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer dignité et égalité, et aucun régime n'a réussi à les empêcher, aussi verrouillé soit-il. Même le soutien hypocrite et intéressé des pays occidentaux, qui redoutaient tant l'islamisme et voulaient se ménager de bonnes opportunités commerciales, n'est plus d'actualité. Pourtant bien peu de gens ont vu venir ce vent de révolte qui semble maintenant irréversible. 

Pour nous l'expliquer, Tahar Ben Jelloun nous projette habilement "dans la peau" de Moubarak puis de Ben Ali, acculés à la fuite, puis dans celle de ces hommes ordinaires — tel Mohamed Bouazizi qui s'immola par le feu en Tunisie, et quelques autres en Egypte, en Lybie, en Algérie — qui furent les étincelles qui enflammèrent cette révolution. Mais, se refusant à considérer ces révolutions comme un seul et même phénomène, global et uniforme, Tahar Ben Jelloun, dans la deuxième partie de son essai, examine au cas par cas la situation des pays arabes touchés par la contestation : Tunisie, Egypte, Algérie, Yemen, Maroc, Lybie, Syrie, et évalue les chances de réussite de ces mouvements en tenant compte de leurs spécificité et de l'histoire de ces pays. L'occasion pour lui de souligner et saluer le rôle nouveau et décisif de la jeunesse arabe dans ces révoltes immensément courageuses. 

Un essai clairvoyant et instructif sur ces événements à l'actualité brûlante, par l'un de nos écrivains les plus informés et attentifs au sujet en France. 

Tahar Ben Jelloun est né en 1944 à Fès au Maroc. Écrivain, journaliste et poète, il a obtenu le prix Goncourt en 1987 pour La nuit sacrée, et est membre de l'académie Goncourt. Il a publié récemment chez Gallimard Jean Genet, menteur sublime. Il est aussi l'auteur de deux petits essais best sellers : Le racisme expliqué à ma fille, et de L'islam expliqué aux enfants.




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